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Homélie prononcée le 25 février 2025
La semaine dernière, l’Evangile nous faisait proclamer les béatitudes telles que rapportées par Luc, et, vous vous en souvenez probablement, le message était plutôt rude. Les experts en Ecritures Saintes affirment que ces paroles (Béatitudes et celles d’aujourd’hui) sont certainement au plus près de celles prononcées par Jésus. Et aujourd’hui, ces paroles semblent dépasser les bornes et le bon sens : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent... » Peut-être avons-nous envie de faire comme si ces paroles n’avaient pas été entendues, de rester indifférents et impassibles, comme si ce commandement n’était qu’une information, sans lien avec la célébration de l’eucharistie. Allons-nous, au contraire, dire « oui », sans « mais » et sans « si » ? Car il ne s’agit pas d’édulcorer cet enseignement de Jésus. Il est là et bien là, sans ambiguïté.
La loi ancienne disait déjà : « Aime ton prochain comme toi-même » (Lévitique 19, 18). Le vieux Tobie conseille à son fils : « Ce que tu n’aimes pas toi-même, ne le fais à personne d’autre » (Tobie 4, 15). Mais Jésus ne dit pas seulement « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’ils te fassent », mais il nous invite à être proactif et à agir en conséquence : « Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux ». Jésus propose ainsi une règle de vie dynamique et active. Il ne s’agit plus seulement de trouver la bonne attitude, mais il s’agit de la vivre concrètement et de la répandre autour de soi.
Cette règle de vie est appelée à juste titre « la règle d’or ». Si elle était mise en pratique, les relations seraient complètement changées entre les personnes, entre les groupes, entre les nations, entre les états. Hélas, elle est bien malmenée dans notre monde, bien sûr par les puissants de ce monde ; mais aussi par chacun de nous.
Vivre selon le Christ, ce n’est pas seulement s’abstenir de faire du tort à son adversaire, c’est répondre au mal par le bien, même s’il n’y a pas de réciprocité. « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera ». Et on peut continuer… N’oublions pas que l’Évangile c’est d’abord le livre de la miséricorde de Dieu. C’est en le lisant et en le relisant régulièrement, nous découvrons cette révélation : tout ce que Jésus a dit et accompli est une expression de cette miséricorde du Père. Il a accueilli les exclus, il a pardonné ; il est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus. Il est venu nous combler de la surabondance de son amour.
Mais tout n’a pas été écrit dans ce livre. Jésus veut sortir ses disciples des relations ordinaires et les inviter à se situer sur un autre registre. Ainsi le disciple de Jésus n’abandonnera jamais personne. Il sera prêt à aller au-delà de ce qui est requis et même de ce qui est juste et normal, car il sait que Dieu est présent dans ceux et celles qu’il rencontre. Ainsi ni l’ennemi, ni le persécuteur ne peuvent être mis de côté. Le disciple est invité à aller plus loin que la réponse habituelle et naturelle. Mais il est déjà difficile d’aimer vraiment ceux qui nous aiment, alors il est bien plus difficile d’étendre cet amour jusqu’à l’ennemi, jusqu’à l’extrême. Pourtant voilà ce vers quoi doit tendre un chrétien.
L’épisode raconté dans la première lecture où David épargne le roi Saül, alors qu’il est entre ses mains, nous est comme une préfiguration de ce que Jésus attend de ses disciples et il nous donne un avant-goût de l’idéal qu’ils sont appelés à vivre. Un exemple plus près de nous est celui de saint Jean-Paul II qui est allé rencontrer celui qui avait tenté de l’assassiner en mai 1981 pour lui apporter son pardon. L’Évangile de la miséricorde reste un livre ouvert
Nous prendrons dans quelques minutes la préface pour la réconciliation : « Dieu, Père tout-puissant…, ton Esprit travaille le cœur des hommes pour que les ennemis se parlent à nouveau, les adversaires se tendent la main, et que les peuples cherchent à se rencontrer. Oui, c’est ton œuvre, Seigneur, quand l’amour l’emporte sur la haine, quand la vengeance fait place au pardon, et la discorde se change en amitié. » Ces hommes qui osent laisser la vie sauve à l’ennemi, qui osent présenter l’autre joue, il y en a. Mais nous savons comment, bien souvent, ils finissent. Du Mahatma Gandhi au pasteur américain, Martin Luther King, elle est longue la liste de ces gêneurs qu’on a assassinés, comme Jésus. Et pourtant, d’autres hommes prennent la relève pour briser le cercle infernal de la violence, des représailles et des contre-représailles, de la vengeance et du bouc émissaire. « Faites-nous tout ce que vous voulez, nous continuerons à vous aimer », disait le pasteur américain.
Et nous, si nous commencions à nous y mettre dès maintenant, avec l’aide du Seigneur. Nous pouvons être sujets de critiques, de malveillances et même de calomnies. Jetons un regard courageux sur nos relations de voisinage et de travail, sur les conflits d’héritage et d’alliance qui ont pu survenir au sein même de nos familles. Le message évangélique est net. Il nous est demandé de répondre par le bien (ce qui ne veut pas dire par de l’affectif ou de l’émotionnel). Dieu attend de nous la décision du premier pas quand l’autre est figé dans son immobilité, la décision de détruire les germes de rancune et d’effacer tout esprit de vengeance. Il ne s’agit pas d’accommoder l’Evangile à nos limites, C’est l’inverse !
La prière que nous pouvons faire est celle de demander à Dieu de purifier notre regard et de le transformer par sa grâce. Nous avons besoin de cette action de Dieu car sans lui nous ne pouvons arriver à vivre l’idéal du Royaume de Dieu, ni même à nous en approcher car nous sommes toujours de pauvres pécheurs.
Le Discours sur la montagne, qu’on appelle aussi le Sermon sur la montagne, et que nous lisons ces dimanches-ci tel que nous le présente Luc, n’a pas vieilli. Il conserve toute son actualité pour nous qui nous voulons être des disciples. Laissons-nous interpeller par les paroles de l’évangile de saint Luc et essayons de marcher à la suite de Jésus et l’Eucharistie est là pour nous soutenir et nous accompagner dans cette marche. Son Corps et son Sang sont l’aliment qu’Il nous faut pour continuer notre route. Approchons avec confiance pour recevoir le Corps du Christ au moment de la communion et disons-lui notre volonté de le suivre généreusement et d’être ainsi « à l’image de celui qui vient du ciel », comme le souhaite saint Paul à la fin de la deuxième lecture. Approchons-nous de Jésus avec humilité et disons-lui du fond du cœur, comme l’a fait l’apôtre Pierre que nous fêtions hier : « Sans toi, Seigneur, nous ne pouvons rien faire ».
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