Demeurez en moi, comme moi en vous

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Homélie prononcée le 2 mai 2021

Frères et sœurs, ce passage de l’évangile selon St Jean, écouté à la lumière de la résurrection, nous éclaire sur notre être chrétien, notre relation au Christ ressuscité, et la fécondité de la vie nouvelle reçue du Christ. Par les sacrements de l’initiation chrétienne nous avons été incorporés au Christ, nous ne faisons plus qu’un avec Lui, comme les sarments avec la vigne. Nous sommes le Corps du Christ ; Jésus demeure en nous et nous demeurons en Lui. Nous sommes la présence du Christ Vivant au cœur du monde et Dieu attend de nous que nous portions beaucoup de fruits.

Il nous est impossible de porter du fruit si les sarments que nous sommes ne sont pas alimentés par la vigne, par le cep de vigne. C’est dire qu’un chrétien ne peut pas se séparer du Christ, sinon il reste stérile, il se dessèche, et il finit brûlé comme un déchet. Comment rester attachés au Christ ? Par la prière, l’écoute de sa Parole, les sacrements et la mise en pratique de ses commandements, en Eglise. On ne peut pas séparer le Christ de son Corps, l’Eglise, et donc on ne peut pas rester attachés au Christ, en se séparant de l’Eglise.

Par ailleurs, Dieu, le Vigneron, pour une plus grande fécondité des sarments, les taille. Pour porter beaucoup de fruits, il nous faut accepter d’être taillés, émondés, purifiés. Ces purifications passent par les renoncements que Dieu peut nous demander, à commencer par le renoncement au péché. Ce sont aussi les évènements, les épreuves de toutes sortes. Dans certaines vies de saints, on voit les épreuves s’accumuler jusqu’à réduire la personne à un état d’impuissance à travers lequel la puissance de Dieu se déploie. La fécondité spirituelle, la fécondité en vue du Royaume de Dieu, passe par la croix. La Croix du Christ est la source de toute fécondité en ce monde. Le Christ ressuscité fait participer ses disciples à ce mystère pour répandre, par eux, tous les fruits de son sacrifice.

« En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire », nous dit Jésus. Il arrive que des chrétiens généreux et enthousiastes s’imaginent sauver le monde en s’appuyant plus sur eux-mêmes que sur le Christ. Ils se donnent un but et s’y engagent pleinement ; leur dynamisme semble porter des fruits, mais curieusement l’essoufflement vient rapidement et les fruits deviennent de plus en plus rares. Parfois, si les fruits tardent à venir, ces chrétiens généreux sont tentés d’utiliser des « effets spéciaux », de forcer un peu la grâce, de jouer sur la séduction, pour que ça marche. Evidemment ce genre d’entreprise peut mal finir. Nous le découvrons depuis quelques années. Le Pape François a mis en garde contre le pélagianisme, cette hérésie des premiers siècles de l’Eglise qui laissait penser que l’être humain pouvait se sauver par lui-même, sans l’aide de la grâce, mais simplement en prenant le Christ pour modèle. Nous avons pratiqué, dans le passé récent en France, un semi-pélagianisme. Nous avons pensé que nous serions le salut du monde. Les purifications internes à l’Eglise nous ont fait douloureusement comprendre que sans Lui nous construisons des mirages, des illusions.

Nous cherchons souvent le succès apparent, nous voulons maîtriser la fécondité de nos vies personnelles et de nos communautés. Mais la véritable fécondité peut passer par l’enfouissement dans la prière et dans le Cœur de Jésus ; elle peut se manifester après de longues années de vie cachée. Elle passe toujours par l’expérience de la pauvreté intérieure qui délivre de la tentation de s’attribuer à soi-même quel que mérite que ce soit. La fécondité relève de l’être transformé par le Christ avant de relever des actions ; elle est le fruit de la grâce qui irrigue peu à peu le chrétien fidèle et le transforme.

L’essentiel est de demeurer dans le Christ, comme les sarments sur la vigne. Huit fois dans ce passage, Jésus utilise le verbe demeurer ! Le sujet de ce verbe est d’abord le disciple, mais aussi le Christ et ses paroles. Jésus demande à ses disciples de demeurer en Lui : c’est une décision, un acte, un engagement des disciples : par exemple une personne qui demande le baptême, ou un chrétien qui décide d’établir une relation vivante avec le Christ dans la prière quotidienne. D’autres fois c’est le Christ ou ses paroles qui sont le sujet du verbe demeurer : alors c’est l’initiative du Christ ; Il demande de la part des disciples un accueil, une écoute, une disponibilité intérieure. La répétition du verbe dit l’insistance de Jésus pour que ses disciples entretiennent avec Lui une relation vivante et fidèle. Le chrétien est appelé à s’établir dans le Christ, à faire en Lui sa demeure, comme le Christ Lui-même veut établir sa demeure en chacun et dans son Eglise.

Les contemplatifs ont compris cette appel et cette mission de demeurer dans le Christ. Ils ne font aucun apostolat apparemment, et pourtant ils sont le cœur de l’Eglise et par leur prière ils soutiennent puissamment la mission de l’Eglise. Avant eux, Marie, la sœur de Marthe avait compris ; elle avait choisi la meilleure part en s’asseyant aux pieds de Jésus, tout à son écoute. « Si vous demeurez en moi, demandez tout ce que vous voulez, et cela se réalisera pour vous » : en effet, plus le chrétien est uni au Christ, plus sa prière correspond aux vues de Dieu et se réalise.
Tous les baptisés sont appelés à demeurer dans le Christ et à ouvrir leur cœur pour que le Christ demeure en eux, quel que soit leur état de vie. L’apostolat commence par la transformation personnelle dans la prière et la méditation de la Parole de Dieu ; c’est ainsi que nous entrons dans la pensée du Christ et que Celui-ci peut agir à travers nous.

Frères et sœurs, au milieu des épreuves et des purifications que l’Eglise traverse, nous voyons déjà des signes de sa fécondité renouvelée. Mystérieusement, dans nos pauvretés, notre Eglise porte des fruits. Persévérons dans notre effort de conversion, notre désir de demeurer dans le Christ, pour que les fruits se multiplient à la gloire de Dieu le Père. Amen !

+ Guy de Kerimel
Evêque de Grenoble-Vienne

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