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Homélie prononcée le 6 juin 2021
Frères et Sœurs,
Dimanche dernier nous avons fêté le mystère de la sainte Trinité qui nous dit qu’il n’y a qu’un seul Dieu, et qu’il est en trois personnes, le Père et le Fils qui s’aiment d’un amour infini qui est l’Esprit-Saint. La raison humaine habituelle ne peut pas concevoir qu’un être vivant puisse être en même temps trois personnes. C’est pour cela que nous ne connaissons la Trinité que parce que la Trinité s’est révélée à nous, grâce au Fils qui s’est incarné, qui est devenu l’un de nous, Jésus, pour nous parler du Père, et nous conduire au Père dans l’Esprit-Saint.
La Trinité de Dieu est un mystère insondable, Frères et Sœurs, et ce mystère ne nous est connu et révélé que par l’incarnation du Fils qui est aussi un mystère insondable. Trinité de Dieu et incarnation de Dieu vont ensemble et sont inséparables. Voilà les deux piliers transcendants de la foi chrétienne dans laquelle nous sommes tous baptisés.
Eh bien, ce matin, en fêtant le Saint-Sacrement, c’est-à-dire l’Eucharistie que nous célébrons chaque dimanche, nous sommes exactement dans le prolongement de ce mystère de Dieu qui nous dépasse complètement, mais qui, pourtant, vient parmi nous, qui s’adapte à nous, et qui se fait même notre nourriture spirituelle pour nous transformer en lui, et pour nous donner sa vie éternelle. Tout cela est extraordinaire, et nous avons bien tort de nous y habituer.
Dieu s’est fait homme. Il s’est incarné. Il est né parmi nous comme un enfant. C’est ce que nous fêtons à Noël. Il a grandi comme un homme, et souffert sous Ponce Pilate. Et il est ressuscité des morts. C’est ce que nous fêtons à Pâques. Tout cela, c’est le Fils. Et ensuite, ce Fils nous a envoyé l’Esprit-Saint, l’Esprit de vérité qui nous introduit dans la vie de Dieu, et qui nous pousse à dire au monde la joie d’être croyants. C’est que nous fêtons à la Pentecôte. Tout cela, c’est l’Esprit-Saint. Et finalement, pour nouer la gerbe de la révélation de Dieu, nous avons célébré la Trinité, le Père, le Fils et l’Esprit-Saint. Mais bien, Dieu n’en reste pas là. Il n’en reste pas à se révéler lui-même. Il vient, en plus, nous soutenir dans notre mission, dans notre vie chrétienne.
Et il se donne à nous en nourriture, sous forme bien concrète et bien physique de pain à manger, d’hostie, pour que nous soyons plus forts dans notre cœur, pour que nous soyons plus capables d’aimer comme Jésus aime, c’est-à-dire capables d’aimer d’un amour qui vient à bout de tout et qui apporte Dieu au monde. Dieu se donne à nous en nourriture pour que nous soyons plus forts. Cette hostie de pain dans les mains du prêtre, cette Eucharistie, c’est Jésus lui-même, le Christ ressuscité monté au ciel depuis l’Ascension, Jésus qui se donne à nous en nourriture pour nous élever ensemble vers le ciel, et pour nous rapprocher les uns des autres par cette commune élévation.
Et de quoi est-elle faite, Frères et Sœurs, cette élévation vers le ciel que le Christ ressuscité vient nourrir en nous par son Eucharistie ? Cette élévation, elle est faite de l’offrande de nous-mêmes, du don de nous-mêmes au service de Dieu et de nos frères. Le seigneur Jésus que nous recevons dans l’Eucharistie nous élève en venant nourrir en nous, en venant faire grandir en nous, la force de nous aimer les uns les autres, la force de nous supporter les uns les autres, la force de patienter les uns envers les autres, et de nous pardonner les uns aux autres. Tout cela nous élève au-dessus de nous-mêmes.
Le Christ que nous recevons à la messe vient nous élever auprès de lui dans la prière et dans la paix, pour nous apprendre à regarder ensemble et à comprendre ce que Dieu attend de nous. Et il nous communique par son Esprit-Saint l’énergie de bâtir ensemble des communautés fraternelles qui témoignent de sa présence réelle au milieu du monde, pour le salut du monde.
Mais ne nous y trompons pas. Et, du reste, nous le savons bien. C’est au prix du sang, au prix de sacrifices coûteux, qu’on apprend à aimer, à supporter, à patienter, à pardonner. C’est au prix de bien des souffrances qu’on entre dans le Royaume de Dieu, nous dit saint Paul dans les Actes des Apôtres. Et dans toutes les lectures que nous venons d’entendre, il est question de sang versé.
D’abord, il y a le sang animal que Moïse a répandu sur l’autel et sur le peuple pendant l’Exode pour signifier l’Alliance entre Dieu et Israël, Alliance d’amour fidèle, Alliance de grâce et de miséricorde qui apprendrait aux israélites à marcher dans les voies de Dieu. Et ensuite, pour que cet apprentissage arrive un jour à son accomplissement, ce n’est plus seulement du sang d’animaux passifs et sans raison qui serait versé pour Dieu et pour le peuple. C’est le sang de Dieu lui-même incarné en Jésus qui est versé, le sang du Christ qui s’offre librement sur la Croix par amour intime envers le Père et envers les multitudes, comme l’a dit l’Épître aux Hébreux dans la deuxième lecture.
Et le sang du Christ est librement offert par amour, afin de purifier notre conscience des œuvres mortes. Ces œuvres mortes, ces actes qui mènent à la mort, ce sont les rancunes de la chair. Ce sont les esclavages des convoitises, des pulsions et des addictions. Ce sont les désirs de vengeance et de violence irrépressible qui peuvent nous entretenir dans un cercle infernal d’amertume et de tristesse.
Le sang du Christ nous purifie de ces œuvres mortes, pour que nous rendions un culte au Dieu vivant, dans la liberté retrouvée, la vérité, la paix, la lumière du cœur. Et, comme le sacrifice du Christ s’est accompli une fois pour toutes, il y a 2000 ans à Jérusalem, le Christ l’a anticipé le soir du jeudi saint, et il l’a déposé à l’avance, réellement et mystérieusement, dans le pain et le vin de l’Eucharistie qu’il multiplie maintenant, de manière non sanglante et non violente, pour se répandre et se communiquer à tous les hommes, pour les nourrir de son amour, et pour les soutenir par l’énergie de son Esprit-Saint.
Communier au Christ, ce n’est pas seulement recevoir matériellement l’Eucharistie dans ses mains ou sur ses lèvres. C’est d’abord écouter sa parole. C’est d’abord adorer sa présence réelle avec un cœur humble et pauvre. C’est obéir à ses commandements pour que sa réception physique en nous soit vraiment spirituelle et transformante. Si nous sommes vraiment disposés à servir Dieu et à l’aimer un peu mieux, nous ne sortons jamais de la messe comme nous y sommes entrés. À un moment ou à un autre, le Christ nous prend auprès de lui, et il nous touche par sa douce puissance, et par la consolation de son Esprit.
En cette solennité du Saint-Sacrement qui est aussi la Fête-Dieu, prenons davantage conscience que la Trinité nous fait communier à sa vie divine. Et n’hésitons pas, Frères et Sœurs, à nous émerveiller de la splendeur que nous offre notre foi catholique. Demandons au Dieu trois fois saint de nourrir et de faire grandir entre nous une véritable communion spirituelle. Et qu’ainsi nous goûtions la joie de pouvoir être ses témoins dans notre monde aujourd’hui. Amen.
Père Patrick Faure
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