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Homélie prononcée le 24 décembre 2023
Cette nuit du 24 décembre nous offre une fois de plus la joie de nous rassembler pour célébrer la traditionnelle fête populaire de Noël. Comme nous y invite l’antienne d’ouverture de cette messe « Tous ensemble réjouissons-nous dans le Seigneur : notre Sauveur est né sur terre ! Aujourd’hui, pour nous, descend du ciel la paix véritable »
La fête de Noël constitue l’un des grands mystères de notre vie chrétienne, de notre vie de foi. C’est Dieu fait chair, venu dans notre monde, au milieu de nous sous l’aspect d’un enfant pour le plus grand bonheur de l’homme, de toute l’humanité.
Cet enfant c’est l’Emmanuel, Dieu avec nous, le fils de Dieu fait homme pour la rédemption de l’homme, pour le salut de l’humanité. Vendredi passé nous avions prié ainsi à la messe :
« Seigneur Dieu, par la venue de ton Fils unique, tu as voulu racheter l’homme déchu, que tu voyais soumis à la mort ; accorde à ceux qui reconnaissent humblement le mystère de son Incarnation de mériter d’avoir part aussi à la vie d’un tel Rédempteur… ».
C’est depuis plus de quatre mille ans avant notre ère, vivant au milieu d’un peuple angoissé, écrasé sous le poids de de la souffrance, un peuple fatigué, soumis aux tracasseries d’un indigne esclavage de la colonisation romaine, que les prophètes avaient annoncé la naissance d’un Fils qui les libèrerait de cette longue servitude, infamante.
En effet, au cœur de cette histoire brûlante du peuple de la Bible, jaillie du cœur tourmenté des prophètes, méditée et transcrites dans le silence par les sages au long des âges, murmurée et chantée dans la prière fervente des humbles, la naissance d’un Sauveur s’est imposée à la conscience et à l’inspiration des écrivains sacrés.
Et le peuple attendait, impatient, ce grand jour de l’avènement de son Sauveur et de sa libération par lui. Isaïe dans une vision prophétique lointaine le perçut et l’annonça. Il le décrit dans un poème d’allure épique qui fera vibrer d’espérance et d’allégresse tout Israélite croyant à l’accomplissement des promesses que le Seigneur avait faites à son peuple béni et souffrant.
Le prophète Isaïe devant un avenir bouché et un peuple désespéré voit poindre cependant le jour de sa libération, car un héritier est né, un descendant de David. Ce n’est encore qu’un petit enfant, mais il cristallise toute l’espérance des pauvres.
Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi.
Tu as prodigué la joie, tu as fait grandir l’allégresse : ils se réjouissent devant toi, comme on se réjouit de la moisson, comme on exulte au partage du butin. Car le joug qui pesait sur lui, la barre qui meurtrissait son épaule, le bâton du tyran, tu les as brisés comme au jour de Madiane. Et les bottes qui frappaient le sol, et les manteaux couverts de sang, les voilà tous brûlés : le feu les a dévorés.
Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de- la-Paix. » Et le pouvoir s’étendra, et la paix sera sans fin pour le trône de David et pour son règne qu’il établira, qu’il affermira sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours. Il fera cela, l’amour jaloux du Seigneur de l’univers !
Ce qui n’était qu’une vision lointaine du prophète, deviendra une réalité du jour de Noël de l’An 1 de notre ère. Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière. Cette lumière a les traits d’un nouveau-né, fragile et sans défense. Dieu naît dans notre monde, il se fait l’un de nous. Désormais, notre humanité porte son visage.
Il est le Messie, le Christ : le Fils de Dieu venu habiter parmi nous : il est devenu fils de David, fils d’Abraham, pour accomplir tout ce qui avait été annoncé de lui et parfaire l’Alliance. Il est né d’une Vierge à Bethléem, s’est manifesté aux bergers qui représentent les « pauvres d’Israël » et aux Mages qui lui apportent les richesses des nations. Premier- né de Dieu, il est à la tête d’une multitude de frères.
Aujourd’hui, nous sommes dans l’allégresse. La naissance de Jésus est un motif de joie légitime pour les chrétiens que nous sommes. Saint Léon le Grand, pape nous interdit d’être triste devant cet événement : « Notre Sauveur, mes bien-aimés, est né aujourd’hui réjouissons-nous ! Il n’est pas permis d’être triste, lorsqu’on célèbre l’anniversaire de la vie. Celui-ci détruit la crainte d’avoir à mourir, il nous donne la joie de l’éternité promise »
Prenons garde de nous laisser éblouir par le côté commercial de la fête de Noël : l’arbre de Noël, le réveillon, les cadeaux, la St Sylvestre. Tout cela est normal et nécessaire pour la joie des enfants et la cohésion des foyers et des familles. Si notre joie est légitime, si nous avons le droit de nous réjouir, de faire la fête, nous ne devons pas cependant nous laisser éblouir, distraire par le côté merveilleux et le côté artificiel de la fête. Ne passons pas à côté de l’essentiel, du message réel de Noël, ce pourquoi Jésus est venu parmi nous.
Pour nous les chrétiens, quel est le sens de Noël, que signifie Emmanuel « Dieu avec nous » ? Avec la naissance de Jésus, c’est l’ère de la plus grande révolution sur la terre, telle qu’il n’y en a jamais eu de pareille et qu’il n’y en aura jamais plus d’autres. Avec l’avènement de Jésus-Christ, c’est la révolution de la libération universelle de l’humanité, de la libération totale de l’homme tel qu’il est : corps et âme. En effet toutes les révolutions connues jusqu’à présent dans l’histoire des peuples sont toujours ou partielles ou imparfaites, malgré leur aspect folklorique et tintamarresque ; elles sont soit purement nationales ou politiques ou économiques, et parfois même simplement matérialistes ou idéologiques, entraînant souvent des frictions, des querelles intestines, des crises ou même des guerres fratricides et meurtrières. Les mass média, les réseaux sociaux nous offrent sans cesse des conflits et des crises à travers le monde.
La révolution de Jésus-Christ est une révolution pacifique. Il vient libérer l’humanité entière avec les armes de vérité, de justice et de paix. Son idéologie sera la doctrine de la non-violence, du respect de la dignité et de la vie humaine, du véritable amour fraternel : aimez-vous les uns les autres comme je vous aime… Aimez vos ennemis » (Jn. C’est un enseignement nouveau, une bonne nouvelle.
Notre monde aura toujours besoin de ce leader magnanime, qui peut combler les aspirations des peuples et des nations de plus en plus déchirés par la haine, angoissés par les menaces des guerres destructrices, en proie aux fléaux de la perversion morale généralisée, à l’insécurité de la vie quotidienne et l’incertitude d’un lendemain meilleur. Seule la grâce de Dieu manifestée pour le salut de tous les hommes peut créer la rupture avec un passé débile et dévoyé. C’est le sens du passage de la lettre de St Paul à Tite.
« Bien-aimé, la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. Elle nous apprend à renoncer à l’impiété et aux convoitises de ce monde, et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété, attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ. Car il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien »
Noël sans un impact réel sur nous, sur les hommes et les femmes n’a pas de sens. La restauration de la création, de ce monde, ne peut se faire que si l’homme se laisse transformer de l’intérieur par Jésus qui vient à Noël : une transformation en profondeur qui fait d’un homme un être nouveau. Un changement radical doit s’opérer en lui.
C’est ici que trouve tout son sens le sermon de St Augustin :
« Homme, éveille-toi, Dieu s’est fait homme. Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera. Pour toi, je le répète, Dieu s’est fait homme. Tu serais mort pour l’éternité, s’il n’était pas né dans le temps. Tu n’aurais jamais été libéré de la chair du péché, s’il n’avait pas pris la ressemblance du péché. Tu serais victime d’une misère sans fin, s’il ne t’avait pas fait cette miséricorde. Tu n’aurais pas retrouvé la vie, s’il n’avait pas rejoint ta mort. Tu n’aurais pas succombé, s’il n’était pas allé à ton secours. Tu aurais péri, s’il n’était pas venu. »
La naissance du Christ détruisant l’œuvre de mort donne naissance en nous à une vie nouvelle. L’homme est régénéré par la venue du Christ dans la chair. Cette vie nouvelle consiste en ce que nous devenions participants de la nature divine.
La fête de la nativité est une fête de la paix. À la naissance du Seigneur, les anges ont bondi de joie en chantant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et Paix sur la terre aux hommes qu’il aime ». Notre joie serait encore plus grande s’il n’y avait pas dans notre monde tous ces pays en guerre : Russie-Ukraine, Israël-Palestine, le Soudan, la RDC, pour ne citer que ceux-là. Notre joie ne peut qu’être plombée par tous ces conflits à travers le monde, quand on écoute tous ces cris de détresse de tous ces hommes, femmes, enfants qui se sentent abandonnés dans ces guerres. Que Jésus leur apporte la don de la paix
Soyons des artisans de paix de vrais artisans de paix : engageons-nous de toutes nos forces à construire et à faire-construire la paix.
En cette nuit de grâce, réjouissons-nous, soyons dans l’allégresse et que la lumière du Sauveur-né inonde nos existences.
Venez et adorons le Seigneur ! Amen.
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