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Homélie prononcée le 2 avril 2021
Le récit de la Passion de Jésus est le cœur de l’Evangile. Jésus est mort ; la croix triomphe. Par elle, qui donne la mort, Jésus a porté un coup fatal à la mort. Dieu a manifesté la toute-puissance de son amour en affrontant les ténèbres du péché et de la mort, réalités qu’Il n’a pas créées mais dont Il a accepté l’éventualité en créant des êtres spirituels libres. Le péché et la mort sont des réalités totalement incompatibles avec la Sainteté du Dieu Vivant ; cependant, le Fils de Dieu s’est anéanti et Il est devenu semblable aux hommes pour les affronter et les vaincre par son obéissance filiale libre. Il a ainsi vaincu définitivement la fatalité du mal.
Alors que le mal semble triompher en condamnant le Juste par excellence, en Lui faisant subir des souffrances dont nous ne pouvons pas mesurer l’intensité, et en Le conduisant à une mort infamante, l’Amour divin remporte la victoire. En effet Jésus a assumé, par amour pour nous, les plus grandes souffrances humaines, les plus grandes injustices, la trahison, la fuite et le reniement de ses proches, la haine, la mort. Désormais, aucun péché ne peut échapper au pardon de Dieu, aucune mort ne peut résister à l’Auteur de la vie.
Tandis que le monde pense obtenir la victoire par un pouvoir qui repose sur la force et la peur, au détriment de la vérité, de la justice, de la miséricorde, Jésus révèle sa puissance divine dans la vérité et dans l’amour, dans la justice et la paix, dans la confiance en Dieu. La faiblesse du Christ arrêté, jugé, condamné, crucifié, se révèle une puissance extraordinaire qui vient confondre les puissants de ce monde.
La croix est l’instrument de la victoire du Christ ; par elle, Il établit son règne ; rien ni personne, en effet, ne peuvent échapper à son amour miséricordieux. Elevé sur la croix, le Christ attire à Lui tous les hommes. La croix opère un discernement, elle est lumière, sur laquelle les ténèbres n’ont pas de prise ; elle est la plus grande marque d’amour ; elle rétablit les vraies valeurs que le père du mensonge s’efforce de renverser.
C’est pourquoi, si nous voulons vaincre avec le Christ, et par sa grâce, nous ne pouvons ignorer la croix ; en contemplant la Passion de Jésus et sa crucifixion, nous avons la clef d’interprétation de toute l’histoire du monde, et nous trouvons le chemin qui mène à la victoire.
Nous pouvons contempler les souffrances du Christ et à travers Lui les souffrances de l’humanité défigurée par le péché. Cette contemplation nous révèle l’ampleur du péché et ses conséquences désastreuses. C’est précisément cette réalité que le Fils de Dieu est venu affronter pour la vaincre par son obéissance filiale. Le mal s’acharne sur Jésus comme sur notre pauvre humanité et peut nous donner l’impression qu’il n’y a pas d’issue, mais une écoute attentive de la Passion nous montre que le mal n’a pas de prise sur Jésus, sur son être intérieur, de même qu’il n’a pas de prise sur ceux qui mettent leur foi en Jésus. Rappelons-nous les paroles de St Paul : « Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien » (Rom 12, 21).
Notre contemplation doit surtout se concentrer sur tout ce qui peut nous aider à vaincre le mal, à dépasser nos peurs, à triompher avec le Christ avec l’aide de sa grâce. Ce chemin de croix et de vie commence par la réconciliation avec notre propre faiblesse ; elle n’est pas un obstacle ; au contraire, habitée par le Christ, elle nous évite de tomber dans le piège de la réponse au mal par le mal.
Dans sa Passion, Jésus nous enseigne l’humilité et l’obéissance filiale ; faire la volonté du Père et l’accomplir en vrai fils est toujours un chemin de vie et de liberté. Jésus subit la plus grande injustice qui puisse se commettre ici-bas, puisqu’Il est l’Innocent par excellence ; Il accepte de se laisser juger par les hommes, Lui a qui le Père a remis le jugement ; mais c’est pour nous rendre justes. C’est pourquoi l’être humain n’a pas besoin de se justifier, c’est Dieu qui le justifie. La vie des disciples du Christ repose sur Dieu, sur sa volonté, sur sa justice et sa miséricorde, et non pas l’opinion des hommes, ni sur la force, ni sur la richesse.
Devant Jésus, les autorités et les puissances montrent leur limite. Les chefs des prêtres sont impuissants à prendre autorité sur Jésus ; Pilate est contraint d’affirmer son pouvoir devant Jésus, ce qui est signe de son trouble et de sa faiblesse. La véritable autorité vient de Dieu ; elle s’appuie sur la vérité, la justice, l’amour, comme je l’ai dit plus avant.
Dans sa Passion, Jésus nous révèle encore la force du silence intérieur, et sa supériorité sur les vociférations des chefs des prêtres ou des foules manipulées. Le mal fait beaucoup de bruit pour essayer de s’imposer ; le bien est silencieux et construit.
Par obéissance filiale, et librement, Jésus livre sa vie. Il est dépouillé de tout et Il donne tout, jusqu’à sa mère qu’Il confie à Jean. Il appelle ses disciples à renoncer à tout, jusqu’à leur propre vie, et à prendre chacun sa croix pour Le suivre. Aucun être humain ni aucune richesse ne peuvent nous préserver de la mort ; la vie n’est pas dans la préservation, mais dans le don.
Par sa Passion et par sa mort en croix, Jésus nous ouvre le chemin de la vie dans le don de soi.
Recevoir et donner, se recevoir et se donner, sont le propre de l’amour authentique. La croix témoigne des dimensions infinies de l’amour que rien ne peut limiter.
Sur la croix, amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent. Puissions-nous redire avec St Paul : « Pour moi, que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. Par elle le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde » (Gal 6, 14).
† Guy de Kerimel
Évêque de Grenoble-Vienne
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