Tous saints ?

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Homélie prononcée le 1er novembre 2024

La sainteté est-elle pour tout le monde ?…Ou pour une sorte d’élite dont la vie serait tout simplement exceptionnelle ?…. Mais une vie peut-être pas très attirante parce qu’ elle peut nous apparaître soit doucereuse, mielleuse, sans aspérité, soit comme inatteignable : tout le monde ne peut pas mourir sur un grill comme Laurent ou mangé par les lions ou transpercé par des taureaux…comme les martyrs de Vienne et Lyon en 177 il y a un peu plus de 1800 ans. Oui, quelque fois les saints peuvent nous apparaître plus admirables qu’imitables…et nous baissons les bras !
Aujourd’hui nous fêtons tous les saints, les saints connus, ceux du calendrier, mais aussi ceux qui sont restés anonymes, ceux qui ont passés leur vie à faire le bien dans la discrétion…car, vous le savez, le bien ne fait pas de bruit.
Comme le dit St Bernard dans une homélie de la Toussaint (12ème siècle !), les saints n’ont pas besoin de nos honneurs et rien dans notre culte ne peut leur être utile ; c’est pour nous que nous vénérons leur mémoire, pour aviver notre désir d’être en leur compagnie et d’être avec la Christ dans la gloire, Lui qui est notre vie.
La fête de la Toussaint fait lever nos regards, non pas vers des vedettes vite canonisées par nos contemporains, mais vers cette multitude de personnes de toutes races, de toutes langues, de toutes nations, qui se sont reconnues enfants de Dieu par grâce divine et participants de la vie trinitaire. Les saints sont là pour nous dire que vivre dans l’intimité de Dieu n’est pas impossible, que des gens comme nous, des hommes et des femmes, des jeunes ont vécu les béatitudes que je viens de proclamer dans l’ordinaire de leur vie. Ils ont essayé du mieux qu’ils pouvaient de mettre leur vie en harmonie avec leur foi dans le concret de la vie de tous les jours, dans leur vie d’hommes et femmes mariés faisant grandir une famille ou dans une vie de célibataire en se rendant disponible pour aider les autres, les accompagner …Nous ne fêtons pas les saints pour dire combien ils sont grands …et tellement mieux que nous, mais pour prendre exemple sur eux, pour les imiter…. Eux aussi ils ou elles ont eu leurs difficultés…et ça n’est pas tombé tout cuit…Mais ils sont restés fidèles à Jésus-Christ, fidèles à leur baptême.
La fête de la Toussaint nous fait entrevoir ce qu’est la vie en Dieu, ce qu’on appelle faute de mieux « le ciel ou le paradis ». C’est la communion de ceux et celles qui se sont laissés purifier par le sang de l’Agneau, comme le dit la 1ère lecture, c’est-à-dire ceux et celles qui acceptent de suivre Jésus, qui essayent de mener une vie dont les caractéristiques nous sont données par Jésus lui-même. Il nous parle des pauvres de cœur, de ceux qui pleurent, des doux, des affamés et des assoiffés de la justice, des cœurs purs… Voilà, pour lui, les Saints ; des personnes bien réelles. Il nous invite ainsi à considérer un monde fait de gens ordinaires, des gens que nous côtoyons dans notre quotidien. Pour lui, les bienheureux du Royaume sont d’abord à nos côtés, ils sont proches de nous et ils sont là, dans notre vie réelle et bien concrète. Ils nous sont proches dans nos choix, nos démarches et nos échecs… et nos misères, aussi. Ce sont, des gens comme nous.
C’est ici et maintenant que cette vie éternelle commence…ce n’est pas après la mort. La vie éternelle est commencée pour chacun d’entre nous. La vie avec Dieu, c’est la communion de ceux et celles qui construisent la paix et l’espérance, qui accompagnent leurs frères avec bienveillance, qui laissent advenir Dieu dans leur vie. Les béatitudes ne sont pas une idéologie ou une utopie pour nous anesthésier. C’est le condensé de ce qu’a expérimenté Jésus dans sa vie d’homme dans sa recherche de la communion avec les hommes et avec Dieu son Père. Pour Jésus, bonheur humain et bonheur en Dieu coïncident authentiquement. Le chemin des Béatitudes est ouvert pour chacun et chacune d’entre nous sans exception, un chemin de communion qui nous engage dans l’aujourd’hui de nos vies.
Alors, acceptons de ne pas tout savoir de l’après…. Soyons convaincus que la vie éternelle s’enracine aujourd’hui dans notre vie bien concrète. Soyons convaincus que nous ne sommes pas appelés à être des êtres extraordinaires, un peu extra-terrestres, mais des personnes normales, pleinement humaines cultivant l’amitié avec Dieu en le laissant advenir dans nos vies. Les saints que nous fêtons aujourd’hui, connus ou inconnus, vivent de ce bonheur que Dieu nous propose d’expérimenter dans notre vie d’aujourd’hui.
L’obstacle pour aller vers Dieu n’est pas la rigueur de celui qui serait un Dieu intraitable, mais notre façon de vivre. Alors convertissons notre regard sur la sainteté, convertissons notre vie et marchons en confiance à la suite de Jésus. Dieu ne nous force pas…Il se propose. A nous de décider dans notre liberté si nous voulons entrer dans cette proposition. Et si nous pensons être irrécupérables ou pas assez dignes ou que sais-je encore, Jésus est là pour nous remettre debout pour nous remettre sur le chemin…N’est-ce pas d’ailleurs ce qu’opère en nous le sacrement de la réconciliation…, le sacrement de la miséricorde de Dieu offerte à chacun et chacune d’entre nous ?
L’appel à la sainteté n’est pas quelque chose de dépassé et de mièvre. Comme quelque chose qui était bon pour les siècles passés, mais qui serait totalement irréaliste dans le monde d’aujourd’hui. L’appel à la sainteté retentit dans notre monde comme l’espérance capable de briser l’engrenage de la haine, de la violence et de la guerre, comme la seule espérance qui peut briser nos replis sur soi.
La sainteté, c’est une question de bonheur et il nous faut, aujourd’hui, sauver le vrai bonheur, avec conviction et détermination. La sainteté, finalement, c’est l’avenir de l’homme.
Prions les uns pour les autres, prions pour que chacun avance avec confiance et dans la simplicité du cœur vers ce bonheur qui nous est promis en mettant en œuvre les Béatitudes.
Bonne fête à tous !