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Homélie prononcée le 11 novembre 2019
Homélie de la messe à la cathédrale – 11 novembre 2019
La commémoration du 11 novembre nous rappelle que nous sommes inscrits dans une histoire avec ses moments glorieux et ses moments douloureux. En priant pour les soldats morts pour notre patrie, ou, comme encore ces jours derniers, les soldats morts pour la pacification d’une région du monde, nous reconnaissons la valeur de leur sacrifice et nous exprimons notre espérance d’un avenir meilleur. La guerre n’est pas une fatalité, elle est l’aboutissement de choix erronés, de refus du bien commun et de la justice, de démissions face à des idéologies toujours sournoises. Le monde ira mieux quand l’humanité le décidera. L’espérance chrétienne n’est pas un optimisme béat, mais l’assurance qu’un chemin est possible, dans un monde blessé par le mal, dont les racines sont dans le cœur de l’être humain.
L’évangile que nous venons d’entendre propose ce chemin qui n’ignore pas les difficultés et les combats, et qui, au cœur des épreuves de ce monde, aboutit au vrai bonheur et la paix. La paix n’est pas une simple tranquillité mais le fruit d’un monde réconcilié.
Hélas, il semble que cette paix ne soit pas l’horizon immédiat du monde. Aujourd’hui, ce sont plutôt de nombreux germes de divisions et de nombreuses forces obscures que l’on voit à l’œuvre. L’humanité, encouragée par les immenses conquêtes de la science et de la technique, ne cesse de tomber dans la tentation de la toute-puissance, de l’avidité insatiable qui conduit à un véritable pillage des richesses partout dans le monde et à une destruction accélérée de l’environnement qui est pourtant notre milieu de vie, notre maison commune. La technique toujours plus perfectionnée autorise à s’affranchir des limites, et à satisfaire des désirs toujours plus fous, toujours plus déconnectés du principe de réalité et de la raison. C’est ainsi que les injustices se multiplient, que de nouveaux esclavages voient le jour, que les rancœurs et les désirs de vengeances rongent les cœurs et suscitent le terrorisme.
A temps et à contretemps, il est nécessaire de dénoncer les causes des malheurs, des tensions, des violences perpétrées dans le monde, et dont les plus faibles sont les principales victimes. La recherche malhonnête du profit, l’accumulation scandaleuse des richesses entre les mains de quelques privilégiés, la surconsommation et la culture du déchet, l’utilitarisme et l’individualisme, l’installation progressive d’une forme de totalitarisme de la pensée, les mensonges et les manipulations, la destruction de la « maison commune » qu’est notre planète, la perte du sens du bien commun et de la fraternité, l’indifférence égoïste face aux misères humaines, sont à l’origine des menaces qui pèsent sur notre pays et le monde entier. L’inquiétude grandit, provoquant encore des réactions égoïstes, des tentations de repli sur soi. Tout cela peut nous faire redouter de replonger dans les pires moments de l’histoire de l’humanité. Malgré des débuts de prise de conscience devant l’urgence de la situation, nous restons globalement sourds à la clameur de la terre et des pauvres.
La paix est une conquête, elle demande des engagements courageux, des renoncements. Elle repose sur la justice, sur la vérité, c’est-à-dire un rapport ajusté au réel, et sur l’amour désintéressé. Elle suppose le sens du bien commun, une juste répartition des richesses, le sens du partage.
Le passage de l’Evangile entendu, une des plus belles pages de la Bible, est un véritable programme pour obtenir la paix ; il est un chemin de vie, de bonheur, de réconciliation et de paix, à l’opposé des fausses valeurs qui séduisent le monde. A la tentation de toute-puissance, favorisée aujourd’hui par le progrès technique, Jésus oppose la pauvreté de cœur de l’être humain qui sait accepter ses propres limites. A la jouissance insatiable et à l’indifférence, il oppose les pleurs de celui qui se laisse bouleverser par le mal qui déforme ou détruit, par les injustices et la souffrance des innocents. A la violence destructrice de ceux qui veulent s’approprier les choses et les personnes, et qui, à force de vouloir tout, tout de suite, finissent par tout perdre, il oppose la douceur de ceux qui préfèrent respecter leurs semblables et leur environnement, dans une patiente logique d’apprivoisement et de collaboration ; ceux-là hériteront la terre. L’humilité, la compassion, la douceur, les trois premières béatitudes, sont ainsi les trois premières étapes sur le chemin du bonheur dans la paix ; elles conduisent à la pratique de la justice ; en effet il n’y a pas de justice possible entre les êtres humains dans une logique de toute-puissance, d’indifférence et de violence. La justice est elle-même perfectionnée par la miséricorde qui est le secret de la victoire sur le mal ; en effet la miséricorde fait sortir celui qui la pratique de la logique du mal ; au mal ou à la misère, elle oppose un plus grand amour, un don plus grand, un pardon. Quand, au nom de la justice, on veut écraser et humilier ses ennemis, on suscite la rancœur, la vengeance et le terrorisme. L’histoire et l’actualité nous le disent assez clairement. A ouvrir un chemin de pardon et de réconciliation, on rend possible la paix. La miséricorde n’est pas l’oubli du mal subi, mais la volonté de rendre sa dignité à celui qui, en commettant le mal, s’est laissé déshumaniser. La miséricorde est par excellence un amour désintéressé qui rend le cœur pur. La pureté de cœur est en effet le fruit d’un comportement désintéressé, d’un décentrement de soi ; elle est la vertu des artisans de paix.
La paix est donc l’aboutissement d’un processus de discernement et de choix personnels et politiques. Ce chemin suppose une vision réaliste et raisonnable de l’être humain dans son environnement, une vision juste de la société humaine et de son devenir. L’homo economicus, l’homo festivus, ou l’homo technicus, qui semblent les prototypes humains les plus promus actuellement, nous éloignent d’un monde réconcilié et de la paix, comme nous pouvons le constater tous les jours. L’évangile des béatitudes nous propose une vision de l’homme inégalée, un chemin de vie, de bonheur et de paix que beaucoup de nos responsables politiques et de nos contemporains auraient grand profit à méditer. Que la commémoration de l’armistice permette à notre pays de tirer toutes les leçons de l’histoire et suscite, aujourd’hui, de nombreux artisans de paix ! Que Dieu veille sur la France et sur le monde !
† Guy de Kerimel
Évêque de Grenoble-Vienne
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