La Science et la Foi des Mages

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Homélie prononcée le 2 janvier 2022

Frères et Sœurs,

vous le savez, il y a déjà 10 ans, le pape Benoît XVI, dans un de ses livres sur l’enfance de Jésus, [1] nous a indiqué les raisons scientifiques solides qui permettent de penser que les mages ont bien existé, qu’ils sont bien venus d’Orient, et qu’ils ont bien été guidés par une étoile, ou – ce qui revient au même – par une conjonction astrale entre des planètes.

Depuis le XVIIe siècle, plusieurs astronomes européens ont montré qu’il y a eu dans notre ciel une conjonction des planètes Jupiter et Saturne entre les années moins 7 et moins 6 avant notre ère, c’est-à-dire au moment le plus probable de la naissance du Christ. Dans la culture babylonienne et perse d’où venaient les mages, la planète Jupiter était un représentant du dieu de Babylone, tandis que la planète Saturne représentait le peuple juif, déporté à Babylone et ensuite revenu à Jérusalem. Cette conjonction astrale était donc un signe du ciel adressé aux babyloniens au sujet du peuple juif et du royaume d’Israël.

Il y a ainsi des éléments scientifiques et historiques sérieux qui rendent le récit de saint Matthieu crédible en son fond, quelles que soient, par ailleurs, les libertés que la tradition chrétienne a prises, en ajoutant que les mages étaient trois et même qu’ils étaient rois, ce qui n’est pas dans le texte de l’évangile que nous venons d’entendre.

En tout cas, pour nous ce matin, nous devons retenir de cet évangile qu’il conjugue la science et la foi. Car les mages sont des hommes de science et des hommes de foi. L’Évangile ne sépare pas ces deux qualités. Il ne met pas d’un côté le travail scientifique - de l’astronome ou de l’astrophysicien ou de l’historien - qui procède par observation, par hypothèses, par démonstration, et, d’un autre côté, l’acte de foi du croyant qui reçoit de Dieu une lumière supérieure à celle de la raison sur le sens de l’existence et sur la destinée finale de l’humanité.

Au contraire, l’Évangile d’aujourd’hui, à travers les mages, tient ensemble, et dans une belle harmonie, d’un côté la recherche scientifique et technique par laquelle nous scrutons le ciel et maîtrisons le monde, et, d’un autre côté, la démarche de foi par laquelle nous croyons que ces sciences et ces techniques ne sont pas des instruments de pouvoir qui nous érigent en maître absolus sur la terre et sur l’univers, mais sont, au contraire, des instruments de service qui nous demandent de progresser dans la justice et dans la paix, en nous laissant guider par le sens de Dieu et la grandeur de l’homme, comme l’ont fait les mages.

La question que l’Évangile de ce matin nous pose est donc la question de savoir dans quel esprit nous faisons les choses. Aujourd’hui comme toujours, Frères et Sœurs, la plupart des avancées scientifiques et technologiques applicables à l’industrie humaine sont susceptibles d’être exploitées à des fins militaires pour satisfaire des appétits de puissance et de domination. Les projets actuels de militarisation de l’espace en sont le triste signe. Et si, au lieu de regarder le ciel, on revient sur la terre, ces avancées appliquées à la biologie humaine sont déjà mises en œuvre dans le développement du transhumanisme qui est guidé, vous le savez, par une vision matérialiste et athée de l’être humain.

Dans quel esprit faisons-nous les choses ? Il est entendu que l’esprit scientifique n’est pas, de soi ni automatiquement, un esprit de puissance et de domination, matérialiste et athée. Non, Frères et Sœurs. L’esprit scientifique peut être ouvert et accueillant à ce qui relève de l’esprit de Dieu, du respect de l’autre, de la justice et de la recherche du bien.

Et c’est même en étant ainsi que cet esprit est vraiment scientifique. Et de cet esprit-là, les mages sont un heureux présage. Ce sont des chercheurs audacieux et aventureux. Mais ils sont humbles et sans prétention.

Fort heureusement aujourd’hui, la science la plus avancée n’est pas que recherche et conquête effrénée de nouvelles techniques, pour de nouveaux marchés ou de nouveaux pouvoirs. Non, Frères et Sœurs, aujourd’hui la science la plus pointue est plutôt modeste, au fur et à mesure que ses découvertes tendent à remettent en question ses présupposés réputés intouchables qui sont, en réalité, des présupposés idéologiques, la plupart du temps hérités des XVIIIe et XIXe siècles et de la philosophie dite des lumières. De plus en plus, de nos jours, il faut faire appel, à des considérations autres que matérielles et physiques pour expliquer le monde physique, le fonctionnement humain, [2] les mécanismes de l’évolution et le comportement de l’univers.

Vous le savez, la médecine universitaire [3] reconnaît aujourd’hui que notre conscience ne peut plus être considérée comme le simple produit de notre cerveau, comme le voulaient depuis longtemps, et comme le veulent encore, les présupposés matérialistes et rationalistes qui influencent la recherche médicale et les institutions officielles.

Non, la conscience humaine subsiste au-delà de la mort. Et cette conscience est le signe que l’être humain et son psychisme ne s’expliquent pas simplement par ses données physiques et physiologiques. Cette dimension extracorporelle et extrasensorielle de la conscience qu’on appellera aussi l’âme ou l’esprit est le signe que tout une part essentielle de l’être humain est immortelle. Et par ailleurs, et depuis plusieurs décennies, des expériences physiques et humaines extraordinaires et avérées font voler en éclat le dogmatisme scientiste et positiviste des centres d’études et des laboratoires où se développe la technologie qui nous manipule et qui nous déshumanise peu à peu.

Ces expériences extraordinaires qui concernent aussi bien l’infiniment petit que l’infiniment grand, et certains phénomènes humains cliniquement étudiés, poussent les physiciens et les métaphysiciens à reconnaître que nous sommes des êtres de conscience, et que, pour citer le philosophe actuel Jean-Marc Ferry, « en tant qu’êtres de conscience, distincts de machines dont les trajectoires dépendent d’algorithmes [préprogrammés] nous sommes libres et immortels ». [4]

Nous sommes encore marqués par le XIXe siècle et par ses doctrines étriquées pour qui la compréhension scientifique du monde n’avait rien à voir avec l’esprit et avec Dieu. Or, depuis le XXe siècle, les plus grands physiciens ont fait changer les choses et bouger les lignes. Les pères de la théorie quantique et de la physique des particules en sont venus à la conviction que « l’esprit est le fond originaire de toute matière », [5] et que cet esprit invisible et immortel conduit à reconnaître l’existence du Dieu créateur et mystérieux (id.).

Le physicien théoricien allemand Albert Einstein l’affirmait lui-même : « le mystère est la source de tout art et de toute science », [6] et encore « la science sans religion est boiteuse, et la religion sans la science est aveugle ». Ce grand savant ressemble aux mages de l’évangile. Comme eux, il pressent le mystère de Dieu à travers ses travaux scientifiques, et il se laisse inspirer par ce mystère.
Mais, comme eux, sa pensée ne va pas jusqu’au bout tant qu’elle ne trouve pas le messie d’Israël qui est la lumière du monde, la résurrection et la vie, et qui réserve la grande joie de connaître son nom et son visage à ceux qui vont jusqu’à Bethléem en se laissant guider par les prophéties.

En ce matin d’Épiphanie, Frères et Sœurs, demandons à Dieu que notre foi n’ait pas peur de la science, la vraie science, libre et humble, et que nous n’hésitions pas non plus à faire travailler notre raison et notre intelligence pour mieux comprendre ce que nous croyons. En Jésus notre sauveur, et comme les mages, nous y trouverons une grande joie, et nous pourrons partager cette joie à notre monde. Amen.

Père Patrick Faure

[1J. Ratzinger, Benoît XVI, L’Enfance de Jésus, Flammarion 2012, pp. 133.140.

[2Mgr A. Léonard, Les raisons d’espérer, Court traité théologique, Paris 2008, Presses de la Renaissance, p. 116.

[3Article de Didier Couronne sur la thèse de médecine de François Lallier (Reims 2014) Une thèse iconoclaste reçoit les honneurs à l’Université de Reims | Wukali

[4J.-M. Ferry, Métaphysiques, Le sens commun au défi du réel, Paris, Cerf 2021, p. 194 ([ ] NDLR)

[5Id., p. 17, citant une conférence de Max Planck (1858-1947), in Archiv zur Geschichte der Max-Planck-Gesellschaft, Abt. Va, Rep. 11 Planck, n°1797 (trad. J-M. Ferry).

[6Id., p. 19.

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