La joie de la réconciliation

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Homélie prononcée le 28 mars 2022

Frères et Sœurs,

voilà donc les enfants qui vont faire leur première communion tout à l’heure. Ils viennent de nous expliquer que cette parabole célèbre dite « du fils prodigue » nous fait penser au baptême parce que le baptême fait de nous des enfants de Dieu, et que nous appelons Dieu « Notre Père ». Cette parabole nous fait aussi penser à la confession et au sacrement du pardon et de la réconciliation, parce que, dans ce sacrement, nous revenons à Dieu et à nos frères, tout comme le fils prodigue revient vers son père et vers son frère. Et cette parabole, elle nous fait également penser à l’Eucharistie parce que, dans l’Eucharistie, nous célébrons l’amour du Père qui rassemble dans sa maison-église tous ses enfants, les plus jeunes et les plus anciens, les fils prodigues et les fils aînés, pour les faire communier à sa vie divine. Et nous savons aujourd’hui que Dieu nous fait communier à sa vie divine en nous donnant Jésus, le Fils unique, en qui tous les fils ne font qu’un.

Cette parabole de l’évangile, nous l’appelons la parabole « du fils prodigue » parce que nous pensons que ce jeune fils qui est un peu l’enfant terrible de la famille est, en réalité, le personnage central du récit. C’est lui qui demande à toucher son héritage avant que son père meure, et qui dilapide entièrement cet héritage par ses dépenses excessives. C’est cela être « prodigue ».

Mais on peut aussi estimer par ailleurs, et à juste titre, que le personnage central de cette parabole, c’est le père, et qu’à travers lui le Christ Jésus nous révèle que Dieu est miséricordieux parce qu’il pardonne aux hommes toutes leurs fautes, et qu’il est toujours prêt à les accueillir, s’ils veulent bien revenir à lui, c’est-à-dire se convertir. Cette image de Dieu ne va pas de soi, car elle est concurrencée par les épisodes où Dieu se met en colère et punit les pécheurs. Il faut saint Paul dans la deuxième lecture que nous venons d’entendre pour nous dire que, dans le Christ qui prend sur lui tous les crimes et tous les péchés, Dieu se réconcilie le monde et le renouvelle par son amour. Il faut une sainte Thérèse de Lisieux, sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, pour faire que les mentalités du XIXe siècle, marquées par un Dieu sévère et justicier, se transforment et abordent le XXe siècle en voyant en lui un amour miséricordieux aussi fort qu’audacieux.

Mais on peut estimer finalement, et encore à juste titre, que le personnage central de la parabole, c’est le fils aîné, puisque c’est lui qui représente les scribes et les pharisiens pour lesquels Jésus élabore toute cette petite histoire, ce fils aîné qui incarne ceux qui n’ont jamais quitté le Père, mais ce fils aîné qui est le plus malheureux dans ce scenario où tous les autres se réjouissent.

Alors, disons, en un mot, que tous les personnages sont importants, et qu’il faut les prendre tous ensemble, dans leurs relations mutuelles, comme l’a bien expliqué le pape Benoît XVI. Car les deux fils, l’aîné autant que le cadet, ont tous les deux une relation immature avec leur père, tous comme nous-mêmes nous pouvons avoir une relation encore immature avec Dieu, que nous soyons des chrétiens fidèles de longue date ou bien des croyants revenus récemment à la foi. Dans tous les cas, Dieu le Père patiente, accueille, pardonne, mais aussi étonne au point même d’irriter ceux qui croyaient le connaître.

Le jeune fils, le fils prodigue, c’est l’homme, ou même la civilisation, qui est, dans sa relation avec Dieu, comme un enfant dans sa relation avec ses parents : d’abord, dans la petite enfance, une dépendance totale où Dieu est présent partout, dans tous les besoins, tous les problèmes et toutes les solutions.
Puis vient la crise d’adolescence où cet homme, cette civilisation, s’affranchit du père et de ses lois, ses règles, ses commandements, ses cadres, et veut s’émanciper en se libérant, et en partant ailleurs, pour mener sa vie en toute indépendance, mais en vivant néanmoins un certain temps grâce aux ressources héritées du père.

Nos contemporains ressemblent assez souvent à ce jeune fils qui n’est pas encore arrivé à maturité dans sa relation avec le père qui est l’image de Dieu. Nos contemporains ont beau afficher un rejet de la religion institutionnelle, et pratiquer une sorte d’athéisme mondain qui considère la foi comme un archaïsme de la culture ou de la pensée, ils n’en ont pas moins reçu ou hérité de l’Église des biens nombreux dont ils sont à peine conscients, mais dont ils vivent confusément pour quelques temps encore. Ces biens nombreux, cet héritage chrétien, c’est, par exemple, l’existence même des hôpitaux. C’est la compassion pour les malheureux, la dignité inaliénable de la personne humaine, l’égalité dans la diversité des cultures, la justice et la liberté face aux systèmes englobants, et tant d’autres trésors qu’il serait long d’énumérer.

À travers ce phénomène de rejet, ce fils prodigue, cet homme, cette civilisation, cherche, en réalité, l’absolu, la vraie vie et ce qui lui semble être la vraie liberté. Mais l’évangile d’aujourd’hui nous dit que les ressources ne sont pas illimitées, qu’un jour le gaspillage des biens conduit à la pénurie, et qu’à la faveur de certaines privations et de certains manques, on rentre en soi-même et on reconsidère l’égoïsme et l’appétit de jouissance dans lesquels on a vécu en fils prodigue, sans prêter la moindre attention au bien commun des autres autour de soi, individus ou collectivités ou nations. Et l’on révise alors ses positions, en se disant que l’avenir est dans un retour au partage et à l’amour gratuit qui sont faits de mesure et de sobriété passablement contraignantes mais réellement libérantes, et qui appellent surtout, et fondamentalement, à une conversion spirituelle qui remet le respect de la vie et l’intelligence du cœur au centre des préoccupations, toutes choses dont le père est la figure et l’emblème. Si la phase d’athéisme pratique n’a pas été trop radicale, cette conversion spirituelle peut faire revenir à Dieu, et faire découvrir à nouveaux frais, dans une relation enfin mûre et adulte, son inépuisable splendeur.

Quant au fils aîné qui rêvait lui aussi de moments de liberté avec ses amis, mais qui craignait le moindre écart, et qui ne demandait jamais rien, il est resté auprès du père sans vraiment le connaître puisqu’il est choqué par sa miséricorde. Ce fils aîné, ce sont les scribes et les pharisiens qui vont refuser, au nom de la Loi, que Jésus de Nazareth soit le Fils de Dieu, et que, par lui, les réprouvés réintègrent la sainteté d’Israël. Ce fils aîné, ce sont des chrétiens de longue date qui n’ont pas appris de Dieu la joie de pratiquer la miséricorde et d’accueillir durablement les pécheurs convertis. Ce fils aîné, ce sont les mentalités rigides ou fondamentalistes, sous tous les cieux et dans tous les milieux, qui n’ont pas encore compris que l’Amour Miséricordieux et la pédagogie de la grâce ne s’appuient pas d’abord sur l’ordre établi et sur le sentiment de culpabilité quand on y contrevient, mais s’appuient avant tout sur nos capacités à faire le bien pour arriver progressivement à obéir à toutes les lois de Dieu.

C’est cet amour Miséricordieux et cette grâce que nous recevons dans la vie de l’Église et dans l’Eucharistie. C’est cet amour en personne qui s’appelle Jésus que les enfants vont maintenant recevoir pour la première fois de leur vie. Alors, Frères et Sœurs, quels que soient les chemins qui nous ont conduits jusqu’ici ce matin, demandons à Dieu Notre Père du ciel pour les enfants, pour nous-mêmes et pour le monde, le don de sa lumière et de sa paix qui nous aideront à apporter le salut à notre terre. Amen.

Père Patrick Faure

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